L'effet des pratiques d'élevage sur la dynamique prairiale
Relations entre gestion, production et richesse spécifique
Dans des conditions pédoclimatiques données, la composition botanique rencontrée sur une parcelle de prairie résulte de l’effet de deux facteurs principaux : la disponibilité des éléments minéraux et le niveau des perturbations subies. Ces deux facteurs sont influencés et pilotés par les pratiques de l’éleveur : la gestion de la fertilisation pour le premier, l’exploitation de l’herbe produite pour le second.
Une modification de l’un ou de l’autre de ces facteurs va conduire à une modification de la flore prairiale résultant d’une adaptation progressive aux nouvelles conditions de son environnement. C’est ce mécanisme que l’on appelle la dynamique de végétation.
Les états de prairies résultent d’un équilibre entre disponibilité en nutriments et intensité de prélèvement. Ainsi les pelouses sur milieu à faible disponibilité en nutriments (milieu pauvre ou oligotrophe) ont une faible production de biomasse qui ne pourra alimenter que peu d’animaux. À l’autre extrémité, en milieu à forte disponibilité en nutriments (milieu riche ou eutrophe), la production de biomasse est abondante et devra être régulièrement prélevée.
Si l’on sort de ces équilibres, comme dans le cas d’une sous-exploitation (utilisation partielle de la biomasse produite), on va permettre l’accumulation de la biomasse sur pied et faire progressivement évoluer la prairie vers une friche. À l’inverse, une trop forte exploitation de pelouses maigres conduira à un sur-pâturage qui dégradera l’écosystème.
Comprendre le lien entre pratiques et biodiversité
Dans des situations agronomiques, la relation entre la production et la richesse spécifique (nombre d’espèces végétales) est généralement négative, ce qui n’est pas le cas dans les écosystèmes naturels. En effet, une augmentation de l’intensité d’exploitation, qui associe souvent fertilisation et niveau d’exploitation importants, va sélectionner les espèces les plus productives. Les pratiques de gestion (fertilisation, fauche, pâturage) deviennent ainsi un élément constitutif des filtres environnementaux qui s’appliquent au «pool régional d’espèces», c’est-à-dire que l’on peut potentiellement rencontrer à l’échelle de grandes zones géographiques (par exemple : zone océanique, montagne, zone méditerranéenne). Des pratiques intensives vont accroître la pression de sélection des « filtres environnementaux », en favorisant les espèces compétitrices et à croissance rapide, réduisant ainsi la richesse spécifique de la communauté végétale.
Pour comprendre la théorie des filtres, il faut imaginer que la diversité des espèces que l’on peut (potentiellement) rencontrer à l’échelle d’une grande région géographique correspond à un ensemble d’éléments de forme géométrique contenu dans un grand sac : le « pool régional d’espèces ». Chaque forme géométrique correspond à la stratégie d’une espèce, c’est-à-dire à sa biologie. Les facteurs du milieu (climat, fertilité du sol) ou les pratiques de gestion (pâturage, apport d’azote sous forme organique) agissent comme autant de « tamis » dont la grille présente des trous de forme et de taille différentes, qui vont laisser passer les formes géométriques correspondantes. Ainsi plus les facteurs seront spécifiques plus les trous seront petits et les formes complexes. La sélection correspond à la résultante entre la diversité des formes versées sur les tamis et de celles qui sortent de la succession de filtrages. On comprend ainsi que dans un milieu donné seules les formes géométriques (espèces) adaptées à la combinaison des tamis (conditions de l’environnement) sortiront du processus de filtrage et constitueront la communauté d’espèces que l’on rencontrera sur la parcelle.