L'élevage construit des identités
L’élevage comme fondement de la société
L’élevage marque nos sociétés depuis son invention au Néolithique car il contribue de manière diversifiée au bien-être et à la survie (alimentation, force de travail, habillement, tentes, outils, moyen de locomotion et de transport…). Cet attachement n’est pas seulement matériel, il est aussi affectif voire religieux. C’est le cas par exemple du taureau et de la vache sacrée que l’on retrouve en Égypte (Apis Hather), en Inde, puis en Grèce, chez les Celtes (Damona) et dans l’Empire romain (culte de Mythra). Aujourd’hui encore, de nombreuses sociétés, même si elles sont très urbanisées, restent attachées à l’élevage comme un fondement de leur identité, dans lequel tout individu, qu’il soit éleveur, consommateur ou simple spectateur se reconnaît.
Le culte de Mythra ?Sur l’ordre du Soleil, apporté par un corbeau, Mythra est associé au salut du monde en mettant à mort un taureau qu’Ahriman vient d’infecter pour vicier la source universelle de la vie. En sacrifiant l’animal, il répand son sang éternel avant qu’il soit corrompu. De cet épanchement, Mythra fait naître les plantes et les autres créatures. Il arrache ses proies à l’Esprit du Mal et monte ensuite sur le char du Soleil. Il est donc à la fois démiurge et sauveur, et par ce baptême de sang, ses fidèles obtiendront l’éternité.
L’élevage comme fondement de la société
Les gauchos de la Pampa d’Amérique du Sud
Entre l’Argentine, l’Uruguay et le sud du Brésil, s’étendent de vastes prairies où se sont implantés d’immenses élevages de bovins gardés par des Gauchos dont les savoir-faire couvrent aussi l’abattage des bœufs, le tannage des cuirs et le dressage des chevaux. Bien que solitaires et indépendants, ils sont pourtant à l’origine d’une culture spécifique faite de traditions, de rites, de coutumes et de recettes culinaires. Ayant participé aux guerres d’indépendance, le gaucho symbolise des valeurs d’honneur, de courage et de liberté et reste encore aujourd’hui une icône de l’identité argentine.
L’élevage comme ciment d’une identité locale
L’aligot d’Aubrac : une spécialité issue d’une tradition encore bien vivante qui s’est adaptée à la vie moderne
Sur le plateau de l’Aubrac, s’est développé depuis le Moyen-Âge un système original fondé sur une race rustique mixte et de travail, la race Aubrac et la production de fromage en estive au buron. Ce système peu productif et consommateur de main-d’œuvre a quasiment disparu au profit d’un système à viande majoritaire avec des veaux broutards exportés vers l’Italie à l’automne et d’un système laitier qui fait appel à une race plus productive, la Simmental. Pourtant, l’élevage associé au plat traditionnel d’aligot (purée et tomme fraîche) et au couteau de Laguiole reste le vecteur d’une identité locale forte très prisée des touristes et entretenue à l’extérieur du pays par la communauté des « Auvergnats de Paris ».
L’élevage spectacle
L’élevage peut aussi concerner la sélection d’animaux à des fins de loisir ou de spectacle comme la vache d’Herens dans le Valais suisse.
À l’origine, cette race était laitière mais elle a beaucoup régressé depuis les années 1950 du fait de ses faibles performances, comparées aux races spécialisées. Elle doit sa survie à une tradition, le combat de vaches au printemps pour désigner la reine du troupeau, qui est entretenue par des amateurs inconditionnels de cette race. De nombreux éleveurs considèrent qu’il est indispensable de garder une ou deux vaches d’Herens pour ces combats.
Des identités qui rassemblent ou qui opposent
L’élevage peut produire des identités consensuelles dans lesquelles se rencontrent producteurs et consommateurs à travers des activités porteuses de symboles partagés comme c’est le cas avec la transhumance.
Mais l’élevage peut aussi être à l’origine de tensions très fortes entre les défenseurs de la culture qui en découle et ceux qui portent un jugement éthique ou moral sur ces mêmes pratiques.