La notion de controverse

L’évolution des rapports entre science et société dans la seconde partie du XXe siècle a consacré la notion de « controverse » pour appréhender les enjeux de la mise en débat des choix scientifiques et techniques. Face aux incertitudes que les innovations produites par la science suscitent, des acteurs aux valeurs et aux intérêts bien distincts se mobilisent pour faire valoir leur position. En cela, une controverse est d’abord l’expression d’un désaccord, d’une confrontation, entre différentes rationalités, entre différentes conceptions d’un même problème et du monde social au sein duquel il se déploie.Tout l’enjeu d’une controverse revient donc à gérer démocratiquement les incertitudes qu’elle soulève, par sa mise en débat dans l’espace public. La controverse « sort du laboratoire » et des espaces confinés où se régule habituellement la chose scientifique, pour « envahir » d’autres types d’arènes et être soumise aux opinions publiques, dans la mesure où elle touche à des enjeux collectifs. Une controverse est ainsi traversée par des dynamiques communicationnelles et peut être appréhendée comme un révélateur des modalités d’organisation du débat public autour de certains enjeux de société.

Qui est considéré comme un acteur légitime pour prendre part au débat ? Comment les arguments opposés entrent-ils en confrontation ? Quels cadrages de la controverse sont proposés par les parties engagées ? En quoi influent-ils sur leur capacité à se sentir concerné ou à s’investir ? Comment départager ces acteurs ? Peut-on produire une décision légitime en situation d’incertitude ?

La controverse scientifique est par nature conflictuelle. Elle peut être définie comme un débat, entre pairs et dans des espaces autorisés (académie, publication scientifique, etc…) qui oppose des personnalités de la communauté scientifique ou ses observateurs (épistémologues, philosophes et sociologues des sciences, journalistes…) sur un point de théorie scientifique ou sur des faits historiques ou philosophiques devant être associés à cette théorie. L’étude d’une controverse scientifique permet d’ouvrir la « boîte noire » que tend à devenir un contenu scientifique une fois construit et accepté.

Le sociologue Yves Gingras (2014) considère la controverse publique comme un débat qui fait intervenir de « nombreux acteurs » pouvant provenir de tous les lieux de la société civile. Les intervenants possédant des savoirs très diversifiés et plus ou moins approfondis et ne partageant pas de normes communes, le débat est peu encadré, donc moins prévisible dans sa dynamique générale que dans le cas des controverses scientifiques et peut aller dans toutes les directions. En ce cas, l’atteinte d’un consensus est compromise par la diversité des points de vue en présence (idéologiques, politiques, religieux, moraux).

En savoir plus : Gringas Yves (2014) : Controverses - Accords et désaccords en sciences humaines et sociales – CNRS editions.