Elevage et tuberculose humaine, un lien mis en évidence récemment
L’origine de la tuberculose humaine (Mycobacterium tuberculosis ) est très ancienne. Des chercheurs ont récemment montré que cette maladie serait africaine et d’origine humaine et remonterait à près de 60 000 ans. Elle aurait ensuite diffusé dans tous les continents au gré des migrations humaines (Comas, 2010). Cependant, il faut attendre le XVIIIe siècle pour qu’apparaissent les premières épidémies d’envergure. Au début du XIXe, elle atteint les catégories aisées de population et devient le mal romantique par excellence puis on observe une diffusion dans les populations pauvres, aussi bien en ville qu’à la campagne. À la fin du XIXe siècle, tous les pays développés sont touchés. Les médecins les plus alarmistes parlent de 150 000 décès /an en France, chiffre aujourd’hui contesté (Mouret, 1996), mettant la tuberculose au premier rang des causes de mortalité adulte, loin devant la grande épidémie de choléra du milieu du XIXe. La maladie étant très contagieuse, le courant hygiéniste en plein essor y voit la conséquence du mauvais état sanitaire des quartiers ouvriers et de l’absence d’hygiène dans ces populations. Il fait aussi un lien avec l’alcoolisme et en fait un fléau social.
Comme aucun traitement n’existe, la seule solution proposée est de se retirer au bon air et de se reposer dans des hôpitaux spécialisés, les sanatoriums. Les politiques publiques visent aussi la rénovation de l’habitat et à lancent des campagnes de sensibilisation très bien relayées. Avec la découverte du vaccin BCG dans les années 1920 puis d’un traitement antibiotique efficace à base de streptomycine en 1943, la maladie a pratiquement disparu en Europe mais reste une des causes de mortalité humaine les plus élevées au monde, loin devant le SIDA. D’autres historiens considèrent que la question du logement était marginale dans la généralisation de la maladie mais qu’elle découlait d’un épuisement des ouvriers du à des durées hebdomadaires de travail excessives et à la mauvaise alimentation (Cottereau, 1978). Plus récemment, Pierre-Olivier Fanica (2008) a mis en évidence le rôle de la consommation de lait dans la diffusion de la maladie. Le lait était alors consommé pour atténuer l’amertume du café dans les classes aisées au début du XIXe puis sa consommation s’est développée dans les couches plus modestes avec l’essor de fermes bovines urbaines à l’état sanitaire déplorable. En effet, la tuberculose peut se transmettre de l’homme à l’animal par les crachats puis de l’animal à l’homme lors de consommation de viande mal cuite ou de lait non pasteurisé. C’est pourquoi un programme de surveillance des troupeaux bovins a été mis en place depuis les années 1960 et a permis à la France d’être reconnue comme exempte de tuberculose bovine en 2000 (en 1955, 25 % du cheptel était infecté).
- Comas, I. et al., 2010 : Out-of-Africa migration and Neolithic coexpansion of Mycobacterium tuberculosis with modern human, Nature genetics, vol 45, 1176.
- Cottereau Alain. La tuberculose : maladie urbaine ou maladie de l'usure au travail ? Critique d'une épidémiologie officielle : le cas de Paris. In: Sociologie du travail, 20e année n°2, Avril-juin 1978. pp. 192-224.
- Fanica Pierre-Olivier, 2008 : le lait, la vache et le citadin: Du XVIIe au XXe siècle, QUAE, 520 p.
- Mouret Arlette. La légende des 150 000 décès tuberculeux par an. In: Annales de démographie historique, 1996. Morbidité, mortalité, santé. pp. 61-84.